« Avec une cellule coordination, le Gard a donné de la cohérence à son réseau de transport public»
3 questions à Clotilde Datin – Fil d’actu MIC Mobility Inspiring Concept
« Avec une cellule coordination, le Gard a donné de la cohérence à son réseau de transport public»
En 2009, après avoir confié les transports publics à plus de 20 opérateurs différents, le département du Gard a fait le choix d’une Délégation de service public (DSP) commune portée par 4 co-délégataires. Chargée pendant près de 10 ans de la coordination auprès du mandataire, Clotilde Datin, consultante chez MIC Mobility Inspiring Concept, analyse les bénéfices tirés par le territoire d’un tel changement de modèle.
Pourquoi le département du Gard a-t-il décidé de passer à un réseau de transport unique ?
Pour des raisons d’efficacité et de cohérence. La multiplicité des marchés n’est pas propice à l’optimisation de la qualité de service ou à la meilleure performance économique. Elle fait peser sur chaque transporteur la charge de la rentabilité de son contrat mais sans vision globale. En 2009, l’élu, soutenu par les techniciens, a souhaité mettre en place un réseau départemental unifié autour d’un seul et unique contrat de délégation de service public (DSP). Et de fait, les transporteurs locaux ont décidé de se constituer en groupement pour répondre à l’appel d’offres, piloté par le directeur d’un des grands opérateurs de transport. L’élu souhaitait un réseau solide, qui parle d’une même voix, dimensionné suivant les besoins d’un territoire patchwork et d’un groupement de transporteurs hétéroclite. Parmi les 4 co-délégataires et outre le mandataire du groupement, il y avait une entreprise familiale avec entre 50 et 80 conducteurs et un gros parc de véhicules, ou une coopérative qui rassemblait l’essentiel des transporteurs des Cévennes. Certains cumulaient plusieurs activités de transport telles que ambulanciers ou taxis, assurant également le ramassage scolaire grâce à des Contrats périodes scolaires (CSP), emplois permettant la complémentarité avec d’autres emplois tel un boucher ou un apiculteur qui réalisent du transport scolaire hors de leurs périodes d’activités.
Quels bénéfices ce réseau centralisé a-t-il apportés concrètement à la collectivité ?
À travers une vision centralisée, la collectivité a opéré un transport public coordonné et de fait, plus agile. Le mandataire avait mis en place une cellule coordination dédiée pour assurer l’interface économique et technique entre les besoins du maitre d’ouvrage et les transporteurs. A charge pour cette cellule- dont j’assurais le pilotage – d’être attentif aux attentes de l’élu et des transporteurs.
Cette vision transversale a contribué à optimiser les coûts : le Gard faisait partie des territoires en difficulté financière, pour lequel il a fallu trouver des sources d’économies très rapidement. Nous avons réalisé des études de fréquentation pour identifier les lignes en désaffection – certaines fonctionnaient presque à vide depuis plusieurs années – et recentrer l’offre sur les lignes les plus fréquentées.
Par ailleurs, dans le secteur du transport, le conducteur ne doit pas rouler plus d’un certain nombre d’heures par jour. En s’appuyant simultanément sur plusieurs transporteurs, le groupement a pu répartir les charges. Cette flexibilité a aussi permis de s’adapter aux nombreux changements de périmètre qu’a rencontré le marché en 10 ans, tels que le transfert de compétences du département vers la Région Occitanie. En 2009, assurer le transport scolaire faisait partie des obligations du département, jusque là Autorité Organisatrice des Transports (AOT). En 2017, la loi NOTRe a conduit au transfert de ces compétences du Département vers la Région. Les intercommunalités ont également pris de l’importance et ont intégré des groupements de communes qui n’avaient pas de compétences transport. Outre les 22 transporteurs et les relations avec le département, nous avons géré les relations avec les 3 intercommunalités, 2 déjà dotées de leur propre réseau (Nîmes Métropole, le bassin Alésien) et 1 pour laquelle il fallait préparer la constitution de son propre réseau d’agglomération à partir de lignes anciennement départementales (le Gard Rhodanien).
Autre point significatif, ce réseau centralisé a permis d’améliorer le service voyageur via un interlocuteur unique à l’échelle du Gard. Il a préservé une cohérence territoriale sans rupture de service grâce à la création d’une agence commerciale, un numéro de téléphone et un site internet uniques, sans même parler de l’interopérabilité du réseau grâce à un système de billettique embarqué interopérable avec les agglomérations du Gard.
Cette expérience peut-elle inspirer le réseau de transport public d’autres collectivités?
Le transport public est un poste qui coûte cher à la collectivité. Qu’il s’agisse de département ou de région, un réseau de transport bien structuré à coût maitrisé est dans l’intérêt économique de la collectivité. À cet égard, la mutualisation s’avère souvent un levier structurant. En 2009, le Gard s’est appuyé sur le réseau scolaire qu’il a optimisé avec des lignes interurbaines capables d’attirer d’autres publics mais aussi en jouant sur la saisonnalité. Avec un intérêt touristique et culturel (littoral, parc des Cévennes,..) et un patrimoine naturel et historique remarquable, le Gard dispose de pôles d’attractivités multiples qui appellent des offres de desserte hors périodes scolaires. C’est ainsi que de mai à septembre, l’offre de transport se renforce à destination de déplacements de loisirs et touristiques en limitant les surcoût grâce à une mutualisation de moyens. À travers cette offre unique couvrant un ensemble de besoins de voyageurs, une mobilité à la fois structurée et modulable, le département a favorisé le maillage du transport au profit de la population du Gard et de ses visiteurs et en faveur d’une mobilité décarbonée.
La mise en place d’un interlocuteur unique facilite également la maîtrise locale des questions techniques et économiques. En 2020, à l’issue du contrat de DSP unique, le département a tiré parti de son expérience inédite. Même s’il a redécoupé le marché en cinq lots – dont quatre pour couvrir les secteurs géographiques- il a maintenu un lot coordination, dont il avait pu mesurer la valeur ajoutée pendant 10 ans.